lundi 26 novembre 2007

Chapitre 4

C’est ainsi que j’entrai dans un des clans les plus puissants du désert. Je marchais à l’arrière de la caravane, là où la poussière nous empêchaient de parler caché derrière d’épaisses shouffas. Le soir, je montais ma tente, m’approchai d’un feu de camps et on me présentait une écuelle avec un air de pitié.

Je me sentais inutile dans ce clan ou chacun avait sa place sans pour autant savoir comment remédier à cela.

Je ne parlais à personne et autant que possible me tenait le plus loin possible des autres au point de sentir parfois le picotement des ombres à la limite de la barrière protectrice élevée par les shamans. Si je ne parlais pas, j’observais beaucoup. J’appris ainsi sans jamais m’approcher ni demander à qui que ce soit les différents temps de la journée, l’utilisation d’instruments inconnus, la hiérarchie du clan et les différents façons de s’adresser aux puissants seigneurs formant l’avant de la caravane.

Ainsi, bien que n’ayant jamais été jusque là, je savais que l’avant de la caravane était formée par le chef, le totem dragon et le sourcier. Ce dernier, je ne l’avais aperçu qu’une fois et ne me souvenais que d’une longue barbe grise dont les pointes étaient séparées par des anneaux d’or et cette silhouette voûtée particulière aux personnes âgées. Du chef, je gardai une image de sévérité et d’autorité qui me faisait peur alors que jamais il n’eut le moindre geste déplaisant envers moi. Le totem m’inspirait un sentiment de confiance et peut être aurait il été autre chose que ce qu’il était, j’aurais tenté d’établir quelques liens avec lui mais outre sa position qui m’interdisait tout proximité, il était le dragon. Connu jusque dans les clans sans castes dont j’étais issues, les totems dragons étaient reconnues pour leur puissance mais surtout leur arrogance et leur absence de pitié. Le jeune totem dragon qui, si j’avais bien compris s’appelait à l’origine Shamal, avait rejoint le clan à 10 ans sans que j’apprenne d’où il venait. Derrière ces trois personnalités, se retrouvaient les seigneurs, nobles de naissances ou anoblis par de hauts faits, sans doute guerriers et le guérisseur. Venaient ensuite diverses castes de conseillers, négociants, commerçants et autres professions dont je n’avais jamais entendu parler qui s’agglutinaient avec souvent plusieurs chariots de marchandises sans jamais se rentrer dedans et je me demandai si ça tenait uniquement de l’organisation et du dressage de leurs bêtes ou s’il n’y avait pas quelques magies là-dedans. Après un espace entièrement recouvert par la poussière soulevée par les chariots, on retrouvait les castes n’ayant pas de montures composées en grande partie de serviteurs.

Les guerriers quant à eux qui formait les trois quart de la caravanes se maintenaient en longue rangées sur les deux côtés comme escortant l’ensemble tandis que les shamans sur les meilleures montures encadraient l’ensemble et s’éloignait souvent pour chasser.

La plupart du temps l’un d’entre eux restait à surveiller l’arrière et me faisait les gros yeux quand je musardais trop près de la limite de la caravane. Cela suffisait à me faire presser le pas même si je ne savais pas si il s’agissait là d’une menace si j’avais l’idée de m’enfuir ou d’une réprimande adressée à une petite fille qui flâne et risque de se faire distancer.

Quant aux personnes âgées, enfants en bas âges, femmes enceinte… Je n’en vis pas ce qui fait que le rythme de la caravane était aussi soutenu que celui que je suivais avec les pilleurs sauf qu’avec ces deniers, j’étais à cheval.

Je supposai que, comme dans mes clans précédents, quand une personne était trop âgée pour suivre la caravane, elle s’exilait volontairement ou non et était confiée au désert mais je ne m’expliquais pas l’absence de jeunes enfants alors que la caravane possédait de nombreuses femmes en âge de procréer en particulier parmi les guerriers.

Je ne posai pas de questions. D’abord, j’ignorai si j’en avais le droit et craignais de l’apprendre à coup de fouet et ensuite, en aucun cas je ne souhaitais risquer de me lier d’amitié avec qui que ce soit. J’avais eu des amis, ils étaient tous mort ou emmenés en esclavage. Cette douloureuse expérience avait suffit à m’échauder.

Petit à petit cependant, je me rapprochai des guerriers chasseurs. J’avais reçu une éducation guerrière de mon propre choix et, quand j’ouvris la bouche pour la première fois, ce fut avec force de déférence pour demander une lance à une jeune guerrière à peine plus âgée que moi. C’était pendant la pause, quand le soleil était au zénith et que la caravane s’arrêtait dans un large cercle ou chacun tendait une toile pour se créer un espace d’ombre et se reposer. La jeune guerrière restait à l’affût profitant de la halte pour aiguiser ses lances et me jeta un regard d’incompréhension portant plus sur la façon dont je m’étais exprimée que sur ma demande. Je compris que j’avais dû me tromper dans le protocole mais fut soulagée de n’avoir droit à aucune remontrance ni même moquerie. A la place, elle sortit de son carquois une lance sculptée qui me sembla être la plus belle de toute. Je la serrais contre moi, la remerciait en lui promettant d’en prendre soin et de lui rendre vite. Garde là porteuse d’eau dit elle utilisant la traduction de mon nom plutôt que mon nom lui-même. Je m’étonnai qu’elle sache même qui j’étais, m’inclinai encore à reculons ce qui la fis grimacer avant d’émettre un soupir et de se concentrer à nouveau dans ses travaux d’affûtage.

Je commençai à chasser moi aussi et je dois dire avec fierté que je ramenai à l’intendance des prises aussi belles que les guerriers alors qu’ils s’éloignaient loin à cheval et que moi je restai à pied. Le gibier à proximité de la caravane était rare mais les oiseaux qui s’envolaient à notre approche étaient fréquents et je ne ratais jamais une cible volante alors que la plupart des chasseurs ne se risquaient pas face à ces cibles difficiles à atteindre. Les journées passèrent plus vite. Je chassais, je marchais et j’écoutais l’eau me parler. Le trajet que nous empruntions n’était pas celui que j’aurais choisi pour mon clan pilleurs. J’avais appris à résister aux flux puissants des grandes oasis pour écouter le murmure discret de quelques nappes souterraines plus discrètes mais moins propice aux mauvaises rencontres.

Pour une caravane de cette taille, il fallait des points d’eau importants. La caravane était apte à se défendre devant n’importe quel autre clan aussi le risque de mauvaises rencontres n’était manifestement pas un élément que le sourcier prenait en compte et on faisait souvent halte dans des oasis somptueuses d’eau pure et de verdure. Parfois nous apercevions un reste de fer ou quelques objets perdus à la hâte par un clan plus modeste qui avaient sans doute fui quand leurs éclaireurs avaient aperçu poindre la bannière du dragon mais nous n’apercevions jamais âme qui vive.

Une autre différence consistait aussi à l’éloignement entre deux point d’eau. L’organisation de la caravane était telle qu’elle n’hésitait pas à s’alourdir de grosses réserves d’eau et il n’était pas rare que nous restions plus d’une semaine sans même une source pour refaire quelques réserves.

Les clans à totem paraissaient ne craindre rien ni personne. Nous allions en ligne droite choisissant le trajet le plus court vers une destination dont j’ignorais tout. J’entendais parfois quelques bries d’informations, es personnes excitée à l’idée de retrouver un être cher ou la perspective d’une nouvelle robe. Je connaissais aussi le nom de l’endroit ou nous nous rendions : le an ar’ban. La consonance sonnait comme un terme de l’ancienne langue mais je n’étais pas assez érudit pour en connaître la signification jusqu’au jour où le sourcier vint à moi.

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