lundi 26 novembre 2007

Chapitre 4

C’est ainsi que j’entrai dans un des clans les plus puissants du désert. Je marchais à l’arrière de la caravane, là où la poussière nous empêchaient de parler caché derrière d’épaisses shouffas. Le soir, je montais ma tente, m’approchai d’un feu de camps et on me présentait une écuelle avec un air de pitié.

Je me sentais inutile dans ce clan ou chacun avait sa place sans pour autant savoir comment remédier à cela.

Je ne parlais à personne et autant que possible me tenait le plus loin possible des autres au point de sentir parfois le picotement des ombres à la limite de la barrière protectrice élevée par les shamans. Si je ne parlais pas, j’observais beaucoup. J’appris ainsi sans jamais m’approcher ni demander à qui que ce soit les différents temps de la journée, l’utilisation d’instruments inconnus, la hiérarchie du clan et les différents façons de s’adresser aux puissants seigneurs formant l’avant de la caravane.

Ainsi, bien que n’ayant jamais été jusque là, je savais que l’avant de la caravane était formée par le chef, le totem dragon et le sourcier. Ce dernier, je ne l’avais aperçu qu’une fois et ne me souvenais que d’une longue barbe grise dont les pointes étaient séparées par des anneaux d’or et cette silhouette voûtée particulière aux personnes âgées. Du chef, je gardai une image de sévérité et d’autorité qui me faisait peur alors que jamais il n’eut le moindre geste déplaisant envers moi. Le totem m’inspirait un sentiment de confiance et peut être aurait il été autre chose que ce qu’il était, j’aurais tenté d’établir quelques liens avec lui mais outre sa position qui m’interdisait tout proximité, il était le dragon. Connu jusque dans les clans sans castes dont j’étais issues, les totems dragons étaient reconnues pour leur puissance mais surtout leur arrogance et leur absence de pitié. Le jeune totem dragon qui, si j’avais bien compris s’appelait à l’origine Shamal, avait rejoint le clan à 10 ans sans que j’apprenne d’où il venait. Derrière ces trois personnalités, se retrouvaient les seigneurs, nobles de naissances ou anoblis par de hauts faits, sans doute guerriers et le guérisseur. Venaient ensuite diverses castes de conseillers, négociants, commerçants et autres professions dont je n’avais jamais entendu parler qui s’agglutinaient avec souvent plusieurs chariots de marchandises sans jamais se rentrer dedans et je me demandai si ça tenait uniquement de l’organisation et du dressage de leurs bêtes ou s’il n’y avait pas quelques magies là-dedans. Après un espace entièrement recouvert par la poussière soulevée par les chariots, on retrouvait les castes n’ayant pas de montures composées en grande partie de serviteurs.

Les guerriers quant à eux qui formait les trois quart de la caravanes se maintenaient en longue rangées sur les deux côtés comme escortant l’ensemble tandis que les shamans sur les meilleures montures encadraient l’ensemble et s’éloignait souvent pour chasser.

La plupart du temps l’un d’entre eux restait à surveiller l’arrière et me faisait les gros yeux quand je musardais trop près de la limite de la caravane. Cela suffisait à me faire presser le pas même si je ne savais pas si il s’agissait là d’une menace si j’avais l’idée de m’enfuir ou d’une réprimande adressée à une petite fille qui flâne et risque de se faire distancer.

Quant aux personnes âgées, enfants en bas âges, femmes enceinte… Je n’en vis pas ce qui fait que le rythme de la caravane était aussi soutenu que celui que je suivais avec les pilleurs sauf qu’avec ces deniers, j’étais à cheval.

Je supposai que, comme dans mes clans précédents, quand une personne était trop âgée pour suivre la caravane, elle s’exilait volontairement ou non et était confiée au désert mais je ne m’expliquais pas l’absence de jeunes enfants alors que la caravane possédait de nombreuses femmes en âge de procréer en particulier parmi les guerriers.

Je ne posai pas de questions. D’abord, j’ignorai si j’en avais le droit et craignais de l’apprendre à coup de fouet et ensuite, en aucun cas je ne souhaitais risquer de me lier d’amitié avec qui que ce soit. J’avais eu des amis, ils étaient tous mort ou emmenés en esclavage. Cette douloureuse expérience avait suffit à m’échauder.

Petit à petit cependant, je me rapprochai des guerriers chasseurs. J’avais reçu une éducation guerrière de mon propre choix et, quand j’ouvris la bouche pour la première fois, ce fut avec force de déférence pour demander une lance à une jeune guerrière à peine plus âgée que moi. C’était pendant la pause, quand le soleil était au zénith et que la caravane s’arrêtait dans un large cercle ou chacun tendait une toile pour se créer un espace d’ombre et se reposer. La jeune guerrière restait à l’affût profitant de la halte pour aiguiser ses lances et me jeta un regard d’incompréhension portant plus sur la façon dont je m’étais exprimée que sur ma demande. Je compris que j’avais dû me tromper dans le protocole mais fut soulagée de n’avoir droit à aucune remontrance ni même moquerie. A la place, elle sortit de son carquois une lance sculptée qui me sembla être la plus belle de toute. Je la serrais contre moi, la remerciait en lui promettant d’en prendre soin et de lui rendre vite. Garde là porteuse d’eau dit elle utilisant la traduction de mon nom plutôt que mon nom lui-même. Je m’étonnai qu’elle sache même qui j’étais, m’inclinai encore à reculons ce qui la fis grimacer avant d’émettre un soupir et de se concentrer à nouveau dans ses travaux d’affûtage.

Je commençai à chasser moi aussi et je dois dire avec fierté que je ramenai à l’intendance des prises aussi belles que les guerriers alors qu’ils s’éloignaient loin à cheval et que moi je restai à pied. Le gibier à proximité de la caravane était rare mais les oiseaux qui s’envolaient à notre approche étaient fréquents et je ne ratais jamais une cible volante alors que la plupart des chasseurs ne se risquaient pas face à ces cibles difficiles à atteindre. Les journées passèrent plus vite. Je chassais, je marchais et j’écoutais l’eau me parler. Le trajet que nous empruntions n’était pas celui que j’aurais choisi pour mon clan pilleurs. J’avais appris à résister aux flux puissants des grandes oasis pour écouter le murmure discret de quelques nappes souterraines plus discrètes mais moins propice aux mauvaises rencontres.

Pour une caravane de cette taille, il fallait des points d’eau importants. La caravane était apte à se défendre devant n’importe quel autre clan aussi le risque de mauvaises rencontres n’était manifestement pas un élément que le sourcier prenait en compte et on faisait souvent halte dans des oasis somptueuses d’eau pure et de verdure. Parfois nous apercevions un reste de fer ou quelques objets perdus à la hâte par un clan plus modeste qui avaient sans doute fui quand leurs éclaireurs avaient aperçu poindre la bannière du dragon mais nous n’apercevions jamais âme qui vive.

Une autre différence consistait aussi à l’éloignement entre deux point d’eau. L’organisation de la caravane était telle qu’elle n’hésitait pas à s’alourdir de grosses réserves d’eau et il n’était pas rare que nous restions plus d’une semaine sans même une source pour refaire quelques réserves.

Les clans à totem paraissaient ne craindre rien ni personne. Nous allions en ligne droite choisissant le trajet le plus court vers une destination dont j’ignorais tout. J’entendais parfois quelques bries d’informations, es personnes excitée à l’idée de retrouver un être cher ou la perspective d’une nouvelle robe. Je connaissais aussi le nom de l’endroit ou nous nous rendions : le an ar’ban. La consonance sonnait comme un terme de l’ancienne langue mais je n’étais pas assez érudit pour en connaître la signification jusqu’au jour où le sourcier vint à moi.

dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 3

Cette période de douce naïveté dura jusqu’à mes 12 ans où pour la première fois, notre clan croisa la route d’un de ses clans mythiques possédant un totem. Malgré sa taille, aucun de nos éclaireurs ne l’avaient vu approcher et il fondit sur nous sans un avertissement. Si sur certains points telle la richesse des clans possédant un totem, Méandre avait raison, sur d’autres telle que leur magnamité, il se trompait lourdement. L’attaque fut foudroyante. Malgré leur précision de tir, nos guerriers ne purent atteindre leurs adversaires comme protégés derrière des boucliers invisibles. J’entendis les cris de nos meilleurs guerriers avant qu’ils s’écroulent. Tandis qu’au sommet d’une colline, deux hommes regardaient le spectacle avec indifférence. A droite, un homme recouvert d’une djellaba bariolée tissée de fil reflétant la lumière du soleil, un diadème surmonté d’un tigre doré et un autre les bras croisé sur une tunique de lin plus blanc que le sel sa tête couverte de la peau du tigre couleur sable. Notre vaillant chef se jeta en avant. Sa lance fendit l’air jusqu’au deux hommes mais fut briser par une force invisible avant de les toucher tandis que deux guerriers ennemis lui tiraient les bras en arrière. Un autre l’attrapa d’une seule main et je ne réussit qu’à gesticuler inutilement entre sa main tandis qu’il me traînait vers les deux hommes qui descendaient maintenant la dune prenant garde de ne pas se souiller dans le sang des vaincus. Les prisonniers défilèrent devant eux, ils posèrent les yeux sur chaque hommes et femmes les séparant en deux groupes. Je me vis ainsi séparé de mon chef, de Méandre et de notre shaman. Le tri étant fait, on nous força à regarder l’autre groupe tandis que nos nouveaux maîtres leur passaient leurs lances en travers du corps. Certains des nôtres hurlèrent, d’autres pleurèrent, d’autres tentèrent de s’échapper. Pour ma part je restais là sans bouger ni même ressentir la moindre émotion, comme enfermé dans un cocon de vide où rien ne pouvait m’atteindre. J’utilisai ensuite souvent cette technique pour fuir la vie quand elle devenait trop dur pour être supportable, avançant, mangeant, buvant, uniquement poussé par des réflexes de survie. Mon cocon me protégea durant les semaines suivantes. Ainsi, quand quelques soldats entrèrent dans la tente où nous étions entassés et retenus par des chaînes, se saisirent d’une fille et la viola devant nous, je ne ressentis rien. Je n’eu même aucune crainte quand ensuite ils s’approchèrent de moi cherchant ma poitrine avant de déchirer la toile de ma djellabas et se moquer de la petitesse de mes seins et je ne ressentis pas le moindre soulagement quand leur supérieur entra leur ordonnant de sortir en prétextant que des femmes aussi sales devaient être pleines de maladie.

Il m’attrapa par le bras, et même pas nubile dit-il à lui-même les guerriers étant déjà sorti. Je pensais qu’il me reposerait mais il me tira par les cheveux derrière lui sans autre forme de procès. Je le suivis en courant presque jusqu’à la plus grande tente que je n’avais jamais vu. A l’intérieur, le sol était recouvert de coussins et de tapis aux couleurs chatoyantes. Il y avait de la vaisselle en métal sculpté sur une petite table en bois précieux, des chandeliers, des photophores et de délicats grelots qui teintaient à notre entrée. Je me fis la réflexion qu’il devait falloir des heures pour plier et ranger out cela et plusieurs bêtes pour tout porter. Je retrouvais le chef toujours dans une djellabas cousus de fils à l’aspect métallique et le totem avec sa peau de tigre cette fois drapée sur une épaule.

Pourquoi est-elle torse nue fut la première question du chef. Il ne s’adressa pas à moins mais a celui qui m’avait emmené aussi je ne répondis pas. Certains guerriers voulaient la violer dit l’autre tranquillement. Le chef fit une grimace. L’ont-ils fait. Non, je ne crois pas, du moins pas avec elle. Avec d’autres ?

Je le crains.

Tu leur donneras trente coups de fouet et je refuse que ses hommes aient des rapports avec nos femmes dans les trois prochains mois. Ses pouilleux doivent regorger de maladies. Bizarrement, ces cette remarque que je ne pus supporter. On pouvait m’ôter toute dignité mais pas déshonorer mon clan. Notre chef nous soumettait en plus à une hygiène irréprochable et on m’avait appris à me frotter avec du sable pour ôter les impuretés de la journée.

Je commençais à défendre cette cause mais n’allait pas loin dans mon discours, recevant un gifle qui envoya ma tête valser en arrière.

Et tu dis qu’elle est sourcier reprit le chef sans plus s’occuper de moi.

Parait dit mon gardien.

Le totem prit la parole. Un sourcier femelle, pas étonnant que leur clan ait attiré le mauvais œil.

Encore une fois, j’ouvris la bouche pour faire remarquer que ce n’était là que superstition et je reçus une nouvelle gifle. Je sentis le sang dans ma bouche et compris que je n’étais pas sensée parler.

Q’est ce qu’on en fait dit mon garde.

Le chef hésita. Aucun clan n’achètera un sourcier femelle dit-il enfin.

Si, en remplacement dit le totem. On ne pourra pas la vendre beaucoup plus cher que les autres fillettes mais elle promet d’être jolie et si nos gardes ne la touchent pas, une jeune vierge se monnaye toujours.

D’aussi basse extraction que j’avais pu naître, je garde de mes premières années un souvenir agréable et c’est en découvrant les clans dit bénis des esprits, ses légendes vivantes, que commença la période la plus difficile de ma vie. Après quelques jours entassés dans une unique tente avec un minimum d’eau et de nourriture, enchaînés sans la possibilité de nous étendre et encore moins de sortir ne fut ce que pour se soulager, on nous mis en file comme des animaux, une lourde chaîne nous reliant les uns aux autres et commença un période ou mes journées se divisaient en deux : le jour à marcher et la nuit à dormir. J’avais dû prendre l’habitude du confort d’une monture car les premières journées me parurent interminables. Mes pieds qui avaient passé huit ans sans chaussures se brûlaient maintenant sur le sable chauffé au soleil et plusieurs fois je trébuchais dans ma chaîne, tombais, et me relevais sous l’attaque cinglante d’un fouet. Notre clan n’était pas seul prisonnier, certaines têtes m’étaient inconnues mais nous ne nous parlions pas, non parce que nous ne nous connaissions pas mais parce que parler exigeait un trop grand effort et augmentait la sensation de sécheresse de nos bouches. Nous eûmes droit à une journée de repos après avoir rejoint une nouvelle troupe. Il s’agissait d’un clan sans nom ou tous les guerriers s’agenouillèrent en signe de soumission devant le chef du clan du tigre et son totem. Bien vite les négociations commencèrent et en grappillant quelques mots, je compris enfin que nous étions destinés à être vendus comme esclave. Ceux que nous avions rejoints étaient négociant dans ce type de bétail, nous leur serions livré contre une somme substantielle et ils nous revendraient au plus offrant sur les marchés de bordure. Les politesses durèrent sans doute tard dans la soirée car on nous présenta que le lendemain à nos nouveaux maîtres. Un par un chaque maillon de la chaîne se fit examiner par un expert des négociants qui commentait la marchandise souvent en terme peu élogieux remarquant les cicatrices disgracieuses des femmes qui réduisaient leur valeur, l’état de faiblesse des enfants, le peu d’hommes fort et valide…tandis qu’à ses cotés un scribe prenait des notes sur un parchemin. Arrivé à mon tour, je fus tâtée comme les autres, on me demanda mon âge, je répondis que j’allais sur mes treize ans. Celui qui m’examinait jugea ma poitrine trop petite et ma silhouette trop gracile pour une courtisane, mes muscles pas assez puissants pour une guerrière, bref inutile et encore une fois la conclusion fut que je ne valais pas le prix.

Elle est encore nubile fit remarquer notre gardien, son corps changera.

Nubile à treize ans. Pas normale, les esprits ne la jugent sans doute pas digne d’enfanter.

Elle pue la magie lança un vieil homme assis à l’écart.

Le négociant s’éloigna de moi pour parlementer avec notre gardien. Elle est sourcier dit-il.

Le négociant cracha à terre. Tu cherches à me rouler. Les sourciers femelles attirent le mauvais œil.

Tu sais comme moi que ce n’est là que superstition. En plus je n’ai demandé pour elle que le prix d’une vierge.

Oui mais dans la bordure, ces croyances sont bien ancrées, personne ne voudra d’elle. En plus une vierge qui ne saigne pas n’a aucun intérêt. Déduis là du lot.

Non, nous nous étions mis d’accord sur le prix.

D’accord si tu le prends comme ça, tu peux garder ta marchandise de seconde main.

Je fus rejeté dans un coin, le ton monta. Des guerriers des deux clans dégainèrent leurs armes mais avant que la situation ne dégénère le chef et le totem mirent fin aux hostilités. A leur approches les différents protagonistes roulèrent face contre terre et expliquèrent leurs différents. Il fut décidé qu’il serait ôté le prix d’une vierge des négociations et qu’en échanges, ils ne voulaient entendre aucune négociation supplémentaire et qu’ils déguerpissent de suite avec la marchandise.

A une vitesse extraordinaire, la somme fut versée, le camps de négociant disparut sur le dos des porteurs, je fus détachée de la chaîne d’esclave, jetée au pied du totem tigre avec un air de dédain profond et le reste de la chaîne fut poussée à la suite de la caravane dans un nuage de poussière.

Un jour ils paieront leur insolence de leur vie dit le totem en observant le nuage de poussière qui s’éloignait déjà.

Patience répondit le chef, nous avons besoin d’eux et ils ne savent. C’est pour cela qu’ils nous narguent. S’ils avaient ne fut ce qu’un gramme de cervelle, ils réaliseraient la faiblesse de leur tactique. Une jour, nous n’aurions plus besoin d’eux et là, ils auront beau se cacher, nous les pourchasserons de l’autre coté de la bordure s’il le faut et leur chef arrogant sera dépecé, sa peau pourrissant au soleil au sommet de la pile de cadavre de son clan.

Et elle dit notre gardien.

On ne me jeta même pas un coup d’œil. Tue là, elle nous a posé assez de soucis comme ça.

Le gardien m’attrapa par le bras pour me relever. Examina ma robe tachée de rouge et la souleva sans plus d’égard pour ma pudeur.

« Elle a son premier sang » conclut-il.

« Elle aurait mieux fait de nous le faire plus tôt, c’est trop tard maintenant, on ne va pas s’abaisser à leur courir après.

- On est à quelques jours du rassemblement, on peut la vendre là-bas.

- Notre trafic d’esclave est suffisamment mal vu pour qu’on l’expose au rassemblement. »

Le chef ne fut pas de cet avis, ce qui sauva ma vie. Beaucoup de jeunes vierges sont échangées dans le rassemblement, pourquoi pas. « On la garde, on verra bien. Donne lui quand même 13 coups de fouets pour nous avoir fait perdre la vente en disant son age. Si elle avait dit qu’elle avait 10 ans... »

Mon dos lacéré, ma robe maculée d’urine séchée, de sang et de poussière, je trouvais un certain contentement à pouvoir m’étendre sur le ventre seule dans la tente même maculée de d’urine de mes anciens compagnons de misères.

Les journées reprirent le cours que je leur connaissais mais seule attachée par une simple corde derrière un dromadaire, mon avancée était plus aisée. Si j’avais une tente pour moi seule, je devais par contre la porter sur mon dos durant le jour, la monter le soir et la défaire le matin.

Quand je voulus m’acquitter de cette tache le matin du troisième jour, mon gardien m’en empêcha, prit une torche et y mis le feu. Je me demandais s’il comptais me laisser la nuit dehors à la merci des animaux nocturnes mais n’osait poser la question. Toute question ou demande que j’avais pu formulée étant agrémentée d’un coup de fouet.

En fin d’après midi s’offrit à moi un spectacle si grandiose que peut-être j’y voyais une récompense à toutes mes souffrances. Aussi loin que portait mon regard, des tentes chamarrées bien plus qu’il n’existe de nombres ou du moins à ma connaissance et au centre un bassin d’eau brillant au soleil, le plus grand que je n’avais jamais vu. L’eau chantait comme un murmure dans mon esprit et je ne pus m’empêcher de chantonner avant de recevoir une claque qui me fendit la joue. Tu te tais et tu ne te fais pas remarquer. Aussi je me fis toute petite, observant de loin la foule de femmes parées de robes de soies et bijoux brillant et d’hommes aux pantalons bouffants rehaussés de ceintures de brocard ou de cuivre. Un coup de fouet sur le dromadaire qui tenait ma corde puis sur moi me ramena à la réalité et je tournai vers une grotte ou se trouvait déjà une bonne vingtaine d’animaux. Mon gardien me jeta au visage une toile de tente rugueuse, m’attacha à une sorte d’abreuvoir en pierre emplit d’eau devant lequel les bêtes se pressaient déjà et me donna l’ordre de me laver puis disparut par l’entrée de la grotte.

J’attendis que les bêtes finissent de boire pour me déshabiller et j’utilisais l’eau saumâtre pour me débarbouiller le mieux possible. Le résultat n’était pas probant, j’en était consciente mais j’ôtai déjà une bonne dose de crasse si bien que remettre ma robe souillée me répugnait. N’ayant pas le choix, je me rhabillais cependant et tentais de me faire un semblant de tente avec la toile malgré l’absence d’attaches et le lien qui me reliait à l’abreuvoir. Le résultat étant suffisant pour me protéger de la nuit, je me glissais à l’intérieur et m’endormis quasi instantanément.

La journée du lendemain était déjà bien entamée avant qu’on vienne me chercher. J’espérai qu’on m’apporte à manger. Depuis la veille au matin je n’avais rien avalé. Mes espoirs furent vite déçus comme on détachait mes liens pour me tirer comme un chien en laisse. Allez, c’est peut-être bien aujourd’hui qu’on se débarrasse de toi.

Je traversais alors le camp du rassemblement, accueillie par des regards hostiles d’hommes et de femmes dans des tenues d’apparat se bouchant le nez ou grimaçant à mon passage. Je reconnus avant de le voir la voix du chef du clan du tigre au milieu d’un rassemblement de quelques hommes en cercle. Tel son chien de manchon, son totem se tenait à ses cotés sans un mot alors que le chef parlait sans interruption d’une voix pâteuse. Ha, la voila dit-il en prenant les liens qu’on lui tendait. Il me fit tourner sur moi-même pour que tous puissent m’observer et dans chaque personne présente, je vis le même dégoût.

« Ca ne te suffit pas de t’adonner à ton commerce macabre, il faut aussi que tu nous ramènes tes marchandises » dit une voix.

Le chef se leva, entra au centre du cercle me tirant par mes liens. « Ca c’est du premier choix si bien que je vous le gardais.

- Tu plaisantes, c’est quoi cette fosse à purin.

- Pas très propre je vous l’accorde ». Il tira ma robe « mais vous voyez ça, les traces de son premier sang. Elle est à peine pubère et encore vierge.

- Elle a saigné jusque dans le dos » fit remarquer un autre.

« Quelques traces de fouets, rien de bien méchant. En plus elle a des talents de sourcier.

- Un sourcier femelle ! C’est bon pour les sans caste tu penses qu’on va s’abaisser à cela.

- Non bien sur, c’est juste le petit plus.

- Ca porte malheur.

- Baliverne, personne ne croit plus à ses superstitions et de toute façon je ne l’offre pas pour ça, c’est juste pour le plaisir de montrer à une vierge ce qu’est la vie, l’ouvrir aux bons esprits.

- Ha, parce que tu l’offres, c’est un cadeau en quelque sorte.

- En quelque sorte oui, je l’offre au plus offrant ».

Plusieurs personnes se levèrent en riant et s’écartèrent bientôt suivi par la plupart de autres. « Pas intéressé » dirent certains mais la plupart ne parlèrent même pas se contentant de s’éventer en passant près de moi. Le chef du puissant clan du Tigre m’attacha à un piquet, fit signe à son totem de le suivre et s’éloigna furieux sans se préoccuper de moi. La place se vidait peu à peu et bientôt je restai seule. Le soleil baissait sur l’horizon. Quelques personnes passèrent, des jeunes surtouts, de mon âge ou à peine plus âgée mais toujours dans ces tenues que je n’aurai pu imaginer même en rêve. La plupart ne portèrent pas attention à moi ou juste pour s’éventer devant l’odeur. Un garçon e jeta une pierre qui m’entailla la joue. Je ne bronchai pas mais cela suffit à le faire rire ainsi que les demoiselles qui l’accompagnaient. Le crépuscule approchant la soirée se couvrit de rythmes lancinants venant de partout et nulle part. Je commençais à tirer sur me liens. M’avait-on abandonné là à la merci des ombres nocturnes ? Je scrutai le sol craignant de voir apparaître les premiers scorpions et tirais davantage sur mes liens. Une jeune fille passa près de moi sans se pressé, me dépassa de quelques pas puis fit volte face. Ne t’agite pas ainsi dit-elle tu risques de te faire mal. Cette remarque était risible vu ma situation pourtant le ton ne ressemblait pas à de l’ironie. « Les scorpions et les ombres » dis-je, « je dois me mettre à l’abri ». Elle secoua la tête. « Tu ne risques rien ici, les shamans protègent le camp contre les ombres et les animaux nocturnes. Veux tu à boire » dit-elle sans transition.

« Oui », je mourrais de soif et devant une telle proposition j’oubliai mes peurs.

Elle me tendit sa gourde, me fit boire une gorgée et après une hésitation me dit de la garder. Sans doute ne boirait-elle plus dans une gourde souillée par une esclave mais je lui en fus reconnaissante. Je la regardais s’éloigner avec envie, sa robe fluide suivant les formes de son corps et ses chaussons souples d’aspects si confortable. Je me pris d’une envie irrésistible de lui ressembler non pour les perles dans ses cheveux mais juste pour sa liberté. Je regrettai de ne pas lui avoir aussi demandé à manger. Sans doute m’aurait-elle ri au nez mais je doutais qu’on vienne me donner à manger ce soir. A vrai dire, je pensais que si un des tigres revenait ce soir ce serait pour me tuer. Je repensais aux ombres. Si notre Shaman était capable d’éloigner nos parasites, les puissants shamans de ces clans pouvaient sans doute en effet les éloigner. Cependant, je ne dormis pas beaucoup cette nuit là, guettant le moindre bruit jusqu’à l’aube. La journée suivante je restais là à la vue de tous. Certains posèrent des questions sur ma présence mais aucun ne s’adressa directement à moi. A ceux qui se renseignaient sur ma présence, on répondait que les Tigres m’avaient mis en vente ce qui ne provoquait guère plus qu’un haussement d’épaule ou un froncement de sourcil. A plusieurs reprises je tentai de demander à manger mais on m’ignora. Alors que le soleil redescendait me frappant durement de ses rayons, le chef des Tigres revint accompagnés de plusieurs hommes si richement vêtus que j’en déduisis que ce devait être des chefs de clan. « Je n’en demande quasiment rien. A peine le remboursement de ce qu’elle m’a coûté.

- Sorcière » dit un des hommes dont la robe était couverte d’une gigantesque broderie en forme de faucon.

« Non, sourcier, rien de plus ».

Une pièce tinta et atterrit dans sa main. Le chef leva la tête et plusieurs hommes s’éloignèrent pour laisser la place aux nouveaux arrivants. Le premier, un homme d’une quarantaine d’année portait une djellaba brune de lin fin et des bijoux d’or mais nettement moins clinquant que la plupart des autres et le jeunes qui le suivait devait avoir deux ou trois ans de plus que moi, une simple djellaba blanche et un pendentif en jade en forme de serpent sur le front. Je les regardais à peine un instant. Le jeune homme avait des yeux à l’iris rouge foncé piqueté de doré qui me firent peur et je baissais les miens. De cette première impression je les cataloguais comme domestique car leur tenue était plus simple. Simple sans caste que j’étais alors, je classifiais la richesse par le nombre de bijoux et leur nombre et les couleurs des vêtements. Pourtant la finesse de la simple sculpture de jade sur le front du jeune homme devait avoir plus de valeur que tous les bijoux du chef des Tigres.

« Flatté de ton intérêt pour mon modeste commerce mais il s’agit d’une vierge qui vaut plus d’une pièce de cuivre. Le clan du dragon qui aime les bizarreries au point de prendre un totem n’ayant pas atteint l’age d’homme apprécierait sans doute un sourcier femelle.

- Ce n’est pas elle que je paie c’est toi » répondit le plus âgé « et c’est bien plus que tu ne vaux. » Cela étant dit, il désigna mes liens au plus jeune qui prit la corde entre deux doigts. Il y eut une légère fumée accompagnée d’une odeur de brûlé et l’épaisse corde céda. Le plus âgé prit le bout qui me restait accroché dans les mains et sans plus discuter tira un coup sec par lequel je compris que je devais avancer.

« On ne peut l’amener au camp » dit le plus jeune une fois qu’il eut rejoint son aîné.

« Pas ainsi. » Tout en parlant on atteignit le centre du camp. On m’ordonna de me déshabiller et de plonger dans l’eau ce que je fis avec plaisir. Je me frottai rapidement gêné par le regard de mes nouveaux maîtres ainsi que des autres personnes présentes qui étaient sorties de l’eau et me jetai un regard accusateur.

Je me dépêchai de finir mes ablutions et sortis de l’eau. Je tendis le bras pour récupérer ma robe mais au lieu de cela, le totem ôta sa cape et me la tendis. Avant que je puisse m’en envelopper, il me fit tourner et désigna mon dos. « Ils l’ont bien amochée » dit-il à son chef.

« Les Tigres sont de parfaits crétins. S’ils avaient pris la peine simplement de la laver et de la garder en bon état, ils auraient pu en obtenir un bon prix mais même ça, ils n’en sont pas capables ».

Le chef me poussa légèrement pour me faire avancer en continuant à parler. « Kaya ne reviendra pas avant deux jours.

- Je m’occuperais d’elle » fit le totem, « ses blessures ne peuvent attendre, elles s’infectent déjà.

- Bien, fait ce qu’il doit être fait et reste discret.

- Oui chef »

Le plus âgé s’éloigna me laissant entre les mains du jeune totem qui continua d’avancer sans plus regarder si je le suivais. De toute façon, je n’avais guère le choix et le suivis quand il entra dans une vaste tente blanche ornée de tapis et coussins. Deux domestiques parlaient dans un coin et sortirent quand il leur désigna la porte en leur ordonnant de revenir avec une bassine d’eau chaude et du savon. Une fois seule, il ôta sa cape de mon dos et je frissonnai même si la température était encore chaude. J’étais esclave depuis peu de temps et me retrouver nue devant un homme me gênait encore. Il approcha la main et me tâta comme l’avait fait le marchant d’esclave, lui aussi remarquant mes cicatrices et grimaçant devant les marques de fouets. Ses conclusions furent cependant différentes. « A quand remonte ton dernier repas ? »

Je n’aurais su le dire et le lui avouais avec honte tandis que les servantes revenaient avec l’eau et le savon. « Apportez à manger » leur dit-il. « Quelque chose de simple et léger ».

Il prit un morceau de tissus, le trempa dans l’eau et frotta dessus une substance gélatineuse qui se mit à mousser avant de me l’appliquer sur le dos. Je me crispais, je pouvais à peine toucher mes blessures et même s’il fit preuve de délicatesse je dus serrer les dents pour ne pas crier.

« J’ai le regret de te dire que je vais te faire bien plus mal dans quelques instants » dit-il et le peu de confiance que j’avais eu en lui disparu. Je levai les yeux, croisai ses iris rouges qui à la lueur des lampes avaient pris l’apparence du feu mais n’osai dire un mot. Il me tendit le chiffon et le dit : « lave le reste.

- Je me suis déjà lavée » fis je remarquer pensant qu’il avait oublié le bain dans le lac.

« Ce n’est pas suffisant ».

Je me frottai alors vigoureusement, me rinçant dans la bassine où l’eau prit une teinte brune. « Les cheveux aussi « dit-il. Je m’exécutai et pris l’étoffe qu’il me tendit pour m’essuyer. Il observa le résultat, tira sur mes cheveux pour vérifier s’il pouvait les démêler mais renonça assez vite et se contenta de les relever et d’y insérer une sorte de pince métallique pour les tenir au niveau de ma tête. Il m’ôta ensuite ma serviette me ramenant à ma nudité, tordit l’étoffe humide et me dit de mordre dedans. « Ca t’évitera de crie » dit-il.

Sans me laisser le temps de me poser la question, il se plaça derrière moi, d’une main me tint par l’épaule et de l’autre suivi le contour de mes cicatrices. La douleur se réveilla à nouveau, s’intensifia et bientôt j’eu la sensation d’avoir le dos en feu. Je mordis sur le tissu, les larmes me montaient aux yeux et moi qui pensais avoir subi les pires souffrances, je m’aperçus que ça pouvait être pire. Puis, la douleur s’atténua. Une domestique entra, posa un plateau et sortis aussi vite sans doute horrifiée par le spectacle

« C’est fini » dit-il. Il te restera peut-être quelques marques mais je ne peux faire mieux. Je passai une main derrière mon dos m’attendant à sentir la chair boursouflée mais je ne rencontrai que la peau lisse.

Devant mon interrogation, il prit un plateau de métal poli si brillant que je pouvais me voir dedans et le plaça sur mon coté, je tournai la tête le plus possible et il désigna le reflet de mon dos sur lequel n’apparaissait plus qu’une fine marque rose. « Elle s’atténuera » dit-il « mais l’infection était trop profonde et trop ancienne pour réparer tous les dommages ».

Il me tendit une tunique de coton fin que je me pressai d’enfiler puis me désigna le plateau de nourriture contenant du pain et une sorte de bouillon. « Mange » dit-il. Je me jetai sur le pain et commençai à dévorer mais il me le reprit des mains. « Doucement » dit-il « ton estomac est vide depuis longtemps, si tu te presses tout il ne le supportera pas » puis il me tendit à nouveau le pain que je pris et me forçai à mâcher de petites bouchées à la fois plus par crainte qu’il le reprenne que par soucis de mon estomac. Il s’allongea sur les coussins la tête relevé en prenant appui sur un coude et m’observa avec un air mitigé entre la pitié et autre chose que je ne pus définir. Quand la domestique revint pour débarrasser, il me désigna et lui ordonna de s’occuper de moi. « Je veux qu’elle ait l’air de … »il hésita « de quelques chose » finit-il par dire. Elle le regarda sans comprendre. « Je ne sais pas, emmène là auprès des femmes, je sais que vous passez des heures à vous pomponnez, vous pouvez trouver quelque chose à lui mettre, la coiffer, enfin ce genre de chose ». La domestique comprit qu’elle n’avait pas intérêt à discuter, elle hésita sur la conduite à tenir avec moi et décida finalement de me prendre par la main comme si j’étais une petite fille et ça me convint tout à fait. On me conduisit sous une tente légèrement plus petite que la précédente mais contenant au moins une dizaine de femme qui cessèrent de jacasser à mon approche et me fixèrent avec attention. « C’est la fille qu’a ramené le clan du Tigre » dit la domestique, « celle qui était attachée sur la place ».

Il n’y eut pas un mot, les femmes attendaient la suite. « Le totem dragon veut qu’on s’occupe d’elle ».

Toujours pas un mot.

« Il veut qu’on lui trouve quelque chose à se mettre et qu’on la coiffe.

- He bien, il y a du boulot » répliqua une des femmes mais sans méchanceté. Puis comme si un signal invisible avait été donné, elles se remirent toutes à parler ensemble, me poussant au milieu d’elles pour commenter mon teins et les couleurs qu’il me fallait porter, se plaignant de mes cernes et du bleu sur ma joue tout en le recouvrant de poudre odorante qui me fit éternuer. Elles me complimentèrent sur mes yeux qu’elles soulignèrent d’encres noires et y ajoutèrent de la poudre d’or. Elles me tirèrent les cheveux et deux camps se formèrent bientôt entre celle partisanes de me les couper les jugeant irrécupérables et celles plus optimistes imaginant pouvoir les démêler. A aucun moment il ne fut demandé mon avis. Il fut laisser une chance au second groupe d’essayer et riant aux éclats, elles relevèrent le défi comme s’il s’agissait d’un jeu. Elles m’enduisirent les cheveux d’une crème grasse et se mirent à plusieurs pour séparer d’abord des mèches épaisses et ensuite à l’aide de petits instruments à dents, de tirer sur les noeuds. Même si j’en avais les larmes aux yeux, j’étais habituée à des douleurs bien plus fortes et ne rechignais pas. Elles s’applaudirent et poussèrent des cris de joies quand elles purent passer leur mains dans ma chevelure et la faire glisser jusqu’au hanche sans rencontrer un nœud. Toujours comme s’il s’agissait d’un jeu elle parsemèrent mes cheveux de multiples petites pinces recouvertes de pierres fines, s’éloignèrent pour juger du résultat et leur sourire me dirent qu’elles étaient satisfaites. On me présenta ensuite plusieurs tuniques brodées mais sans me laisser choisir, il fut voter pour une fine étoffe beige qu’on me fit enfiler sans plus de cérémonie.

On me présenta ensuite plusieurs jupons colorés avec ordre de les enfiler. Elles hésitèrent ensuite sur les bijoux à ajouter et déduirent finalement que c’était suffisant tout en me faisant enfiler quelques bracelets.

Une fois satisfaite de leur travail, elles me traînèrent hors de la tente et accompagnées de quelques femmes supplémentaires qui se joignaient petit à petit au groupe, elles m’emmenèrent jusqu’à la tente principale. J’y retrouvais le jeune totem et le chef qui fronça les sourcils, visiblement mécontent d’être interrompu surtout par une bande de femmes piaillant. On me poussa en avant si fort que je tombais à genoux. Le chef me dévisagea sans comprendre, le totem hésita et finit par avoir un geste de recul portant la main à sa bouche.

« Le dragon nous a commandé de la vêtir et vous la ramener » dit la femme la plus proche de moi. Elle m’avait tenue par la main, enduit mon corps de divers onguents, maquillée et vêtue avec ses propres robes mais à aucun moment ne m’avait dit son nom ni demandé le mien. Je n’étais pour elle qu’un objet, une sorte de poupée qui l’avait sans doute amusée et lui avais rappelé ses jeux d’enfants. Une autre jeune femme parut à l’autre bout de la tente soulevant un pan de brocard d’une main et tenant de l’autre un plateau de métal ciselé emplit d’une multitude de récipients. J’appris plus tard l’usage de chacun d’eux utilisé pour le thé mais sur le moment je n’aurais su le dire. Si dans mon premier clan, jamais je n’avais goûté de thé, dans le second, nous faisions parfois infusé des feuilles dans une sorte de casserole et buvions a même le récipient sans faire tant de manière.

Je jetai donc un œil sur ce nouveau matériel sans curiosité ayant trop vu de nouveauté pour pouvoir encore m’en étonner et m’intéressais plutôt à la jeune femme. Je reconnus immédiatement en elle celle qui m’avait offert de l’eau et m’avait rassurée dans ma captivité et elle aussi me reconnut. Ou du moins c’est ainsi que j’interprétai son sourire.

Le chef par contre ne me reconnut pas, il se tourna vers son totem les sourcils toujours froncés en quête d’une explication. Ce dernier me regardait sous toutes les coutures comme cherchant à comprendre ou pouvait se cacher sous ses dentelles la personne qu’il avait soigné quelques heures plus tôt. « Je l’ai soigné » dit-il enfin « puis confié à Lili pour qu’elle s’en occupe, je n’y entends rien des affaires de filles.

- Tu veux dire que c’est…

- Sur la crainte que vous aviez à prendre une esclave, vous pouvez être rassuré, personne ne la reconnaîtra.

- Par contre pour la discrétion que je t’ai demandé dans cet affaire ».

Le chef désigna les quelques femmes qui étaient entré à ma suite et qui, même agenouillées face contre terre en signe de respects continuaient à pouffer.

Il les fit sortir puis s’adressa au totem. « Si tu confie une affaire à une femme » lui dit-il « nul discrétion n’est possible.

- Je m’excuse, je pensais bien faire.

- Tu as bien fait. » Il s’adressa à moi pour la première fois en me commandant d’avancer. Toujours à genoux, j’avançai un petit peu, m’arrêtai attendit qu’il dise « plus près » pour avancer encore et par petite progression j’arrivai si près que seule un petite table sur laquelle le plateau était posé nous séparait. « Tu veux du thé ? » dit le chef désignant le plateau. Je fis non de la tête.

« Tu sais parler ? » demanda-t-il encore. Je fis oui de la tête.

Il se tourna vers la jeune femme debout dans l’ombre d’une tenture, se tenant avec une telle immobilité que j’avais oublié jusqu’à sa présence et s’adressa à elle.

« Regarde ma fille et apprends. Ce que tu voies là est le premier apprentissage des esclaves. Ne jamais rien vouloir, ne jamais rien demander, parler le moins possible et uniquement pour répondre à une question directe.

- Quel intérêt » demanda la jeune femme ?

Le chef haussa les épaules. « Il faudrait demander aux hommes de la bordure qui les achètent.

Sers le thé » lui dit-il. Elle s’approcha, versa le liquide fumant en montant très haut la théière dans les verres en tendit un au chef, un au totem et me tendit le troisième j’hésitai sur la conduite à tenir, regardait le chef puis le totem. « Bois » me dit ce dernier et je pris la tasse et obéis. La jeune femme me regardait toujours en prenant sa propre tasse.

« Elle restera toujours ainsi ? » dit elle interrogeant son père.

« Il lui restera sans doute toujours des séquelles mais le temps fera son œuvre.

- D’où viens tu ? » me demanda-t-il.

Je frémis à l’idée de dire quelque chose qui risquerait de lui déplaire.

« Je viens d’un clan sans nom.

- Des pilleurs » Demanda le chef

Je fis oui de la tête et un reste de fierté que je pensais effacé remonta en moi. « Mais un peuple juste et fort qui ne pratiquait jamais de violence gratuite comme les clans totemisés ».

Je rabaissai vite les yeux mais j’eus le temps de voir la grimace du chef. « Comme le fait le Tigre » corrigea-t-il « et d’autres aussi » dit-il plus bas.

Il changea de position , réclama une autre tasse de thé et le but avant de continuer.

« Ton clan est décimé ». Le chef et son shaman sont morts et les survivant en route pour la bordure. « Tu es ici dans le clan du dragon. Nous n’avons pas d’esclave. Nous n’en avons pas besoin. C’est un honneur pour beaucoup de servir le clan du dragon et ceux qui y sont y restent par choix. Si tu veux nous suivre, il faut que ce soit ton choix. Si tu veux partir, nul ne t’en empêchera. »

Je me couchai face contre terre envahit pas la gratitude. « Je ferais ce que vous me commanderez ».

Je sentis que ce n’était pas la réponse qu’il espérait mais je n’en avais pas d’autres.

« Puisque toutes nos affaires ici sont réglées je propose qu’on lève le camp

- Père, Puis je me permettre une remarque » dit la jeune fille

« Vas y.

- N’est ce pas risqué de compter sur elle ? Ne devrait-on pas profiter du rassemblement pour lancer une proposition et la garder en réserve si je puis m’exprimer ainsi. En plus, nous venons d’arriver et nombres d’entres nous souhaitent profiter des festivités.

« Il s’agit là de bien plus qu’une remarque ma fille mais je vais te répondre. Les risques existent toujours mais ils sont calculés et jamais je n’agirai à l’encontre de mon clan. Quant au désir des jeunes de festoyer avec une bande de dépravés immoraux, libres à eux, ils n’auront qu’à nous rejoindre quand bon leur semble. Après tout, ne se vantent-ils pas de leur courages et habilités de guerriers ? Ils pourraient ainsi avoir l’occasion de se mesurer aux pilleurs à égalité sans la protection du dragon et de nos shamans mais en ce qui nous concerne, nous partons demain à l’aube aussi tu ferais bien de faire passer le message que ceux qui veulent nous suivre soient prêt à partir quelques soit la quantité d’alcool qu’ils auront ingurgité et fournis une tente à cette demoiselle ». Il hésita « quel est ton nom ? » me demanda-t-il.

Je ne savais quoi répondre, j’avais perdu mon nom en même temps que mon clan.

« Celui qui vous plaira »

Le chef eut un signe d’agacement et le pendentif sur le front du dragon oscilla doucement.

« Dans mon ancien clan on m’appelait Sun » dis-je doucement un peu honteuse de ce nom.

« Sun ar ethy » commenta le dragon. « La chercheuse d’eau » traduisit-il.

« Bien » dit le chef, « Maely » dit il à sa fille « trouve une tente pour Sun ar ethy et fait passer le message de notre départ à l’aube ».

Elle s’inclina, me prit par la main et me conduisit dehors. Dans une sorte de réserve emplit de bric à brac, elle me trouva une toile de tente semblable à celle que j’avais connu. « Pour l’instant ça fera l’affaire, elle n’est pas très jolie mais peut être étanche cela dit, ici ce n’est pas utile mais quand on s’arrête juste une nuit les shamans ne mettent pas en place de sorts de protections. Ca prendrait trop de temps. » Comme je ne répondais rien elle hocha la tête « sois prête demain à l’aube » dit-elle

Chapitre 2

Des quatre années qui suivirent, je dois admettre qu’elles furent agréables. Si mes amis et surtout ma mère me manquaient les premiers temps, j’acceptais ma nouvelle place stoïque et je ne pense pas avoir jamais pleuré. Je dois dire que je ne pouvais en vouloir à ma nouvelle famille. Les clans faibles comme le nôtre sont la proie de tous les pillards et tomber sur un clan qui prenait se dont il avait besoin sans tuer ni violer le reste de la tribu était rare. Mon nouveau clan avait une technique bien rodée consistant à encercler le clan repéré préalablement par des éclaireurs et ensuite profiter de l’effet de surprise pour contraindre leur membre avant qu’ils puissent ébaucher un mouvement de résistance. Ensuite, il ne prenait que ce dont ils avaient besoin. Ainsi, après le décès de leur sourcier par une piqûre de scorpion, le besoin d’un remplaçant s’est fait sentir et le premier clan repéré fut le nôtre. Ils ne prirent rien d’autres que moi, jugeant notre petit groupe comme trop misérable pour leur apporter quoi que se soit d’autre.

Pour autant, une bande de pillard reste une bande de pillard n’hésitant pas à dépouiller un groupe plus faible d’une maigre possession sans se préoccuper de leur survie et en cas de résistance n’hésitant pas à égorger les résistants.

De cette technique, je ne voyais nulle mal et mieux, j’y trouvais une certaine morale. En ce qui me concernait, je remplaçais le sourcier, et que je sois une enfant et en plus une fille ne fut jamais perçu comme un problème. Ils avaient besoin d’eau, je pouvais en trouver, affaire réglée. Je récupérais donc tout naturellement le statut de l’ancien sourcier ainsi que ses biens consistant en une tente, un peu de vaisselle et quelques pièces d’étoffe que je coupai à mes mesures. Autant dire plus que n’avait jamais possédé le chef de ma famille d’origine.

Mon premier massacre, je l’ai vu le jour de mes 6 ans. Si la plupart du temps les guerriers partaient a l’attaque après s’être assuré avoir mis les enfants à l’abri, ce jour là, un convoi de tissus avait été repéré juste derrière nous et certaines tentes avaient besoin d’être changée. Les guerriers prirent positions et nous eûmes juste le temps de nous dissimuler dans les dunes.

Malgré leur infériorité numérique, la caravane refusa de payer le tribu et quand le clan attaqua, je suivis les autres enfants qui se précipitèrent pour contempler le spectacle, arrêtés par le shaman, un guérisseur qui m’avait beaucoup impressionné au début de mon séjour quand ses incantations m’avaient débarrassée de mes puces. Je découvris ainsi que ce sort quoique bien utile était quasiment son seul talent ainsi que celui de déceler les magies d’autrui. C’était cependant plus que je ne connaissais alors et je comprenais qu’on le maintienne à l’écart des batailles pour préserver son grand pouvoir. La bataille fut de courte durée mais durant ce laps de temps, je pus voir un échantillon représentatif d’une gamme non négligeable de façon de tuer. Je détournai les yeux et rendis mon déjeuner mais le shaman me força à regarder.

« Regarde Sun » dit-il m’appelant par le nom par lequel ils m’avaient baptiser en m’adoptant. « C’est ainsi que finissent ceux qui refusent notre magnamité car ils sont trop bête pour comprendre notre puissance ».

Je me redressai alors fière de mon destin et admirais le retour triomphant des guerriers. Je trouvais alors leurs parures étincelantes, notre chef grandit et ajoutai ma voix au chant de victoire qui s’élevait autour du charnier. Pendant ses quatre ans, je crus vraiment que je faisais partie d’un clan puissant, peut-être même le plus puissant du désert, je me prenais à rêver que je retrouvais ma mère pour qu’elle puisse voir ce que j’étais devenue et elle était fière de moi.

Je m’investissais dans les activités du clan. La plupart des jeunes et moins jeune passaient leurs temps libres à s’exercer au combat sous l’œil vigilant des plus expérimentés. La première fois que je pris un bâton d’exercice pour me battre avec ceux de mon âge, on me fit reculer. Un sourcier ne se bat pas, il se maintient à l’écart car son don est trop précieux pour le perdre au combat me répliqua-t-on. Je fis remarquer que le jour où je serai attaquée, mon don sera perdu car je ne saurai me défendre et devant mon raisonnement implacable on m’envoya m’exercer avec les plus jeunes avec ordres de ne pas revenir avant d’avoir réussi à vaincre cette bande de garçon et fille de 5 à 7 ans. J’acceptai en traînant la patte pensant que mettre à terre une bande de bébés ne me prendrait pas longtemps et pourtant c’est moins qui fut jetée a terre en moins temps qu’il en fat pour respirer. A partir de ce jour, je m’exerçais chaque jour. Les plus jeunes avaient comme maître d’exercice Meandre un ancien guerrier qui avait perdu un œil et un bras au combat. En toute logique, il aurait dû être abandonné dans le désert étant devenu une charge inutile pour le clan mais on l’avait gardé car il était brillant tacticien et ses conseils avaient souvent fait tourner une bataille à notre avantage. Je voyais encore dans cette décision la puissance de ce clan. Avide de ses conseils, je fis vite des progrès et pus ensuite me battre contre des enfants de mon âge et même vaincre des plus âgés à la lance ou avec un bâton de combat. Outre ses leçons, Méandre était aussi un conteur passionnant et j’écoutais la nuit venue tassée dans sa tente avec quelques autres enfants, les histoires de guerriers et de batailles et celles de totems et de magies.

Malgré son assurance, je ne voyais dans ces dernières que des contes ne pouvant imaginer clans plus riches et puissant que le nôtre même quand il narrait les histoires d’hommes couvert de brocard, de femmes dans des tentes de soies, de caravanes de milliers de personnes et le tout protégé quasi exclusivement par la magie d’un homme puisant sa force dans l’esprit d’un animal totem.

Il en parlait comme des hommes bons, ou du moins ne présantant pas un reél danger car ils ne s’attaquaient pas à des clans comme le nôtre. Nous sommes trop faibles et pauvres pour présenter le moindre intérêt à leur yeux nous expliqua-t-il. Là, je sus que ces histoire ne pouvaient être que fausses car nous n’étions ni faibles ni pauvres et pour preuve, je n’avais jamais souffert de la faim depuis mon arrivée parmi eux.

Chapitre 1

De mon enfance, je ne garde pas réellement de mauvais souvenirs. Ma vie a été dure, sans doute mais c’est le lot du peuple du désert et si j’ai eu mon lot de larmes et de mauvais traitement, je ne voyais là rien que de très normal Du moins avant de rencontrer Sarak. Et d’entendre ses utopies de paix.

Voire même je me considérais comme favorisée car les difficultés que j’ai endurées m’ont permis de gravir des échelons sociaux ce qui est loin d’être le cas pour la majorité.

Je suis née dans un de ses clans sans caste, et si je dois l’admettre même si j’en ai honte, devant les rares que j’ai croisé depuis, je n’ai pu m’empêcher de ramener mon voile de lin devant le nez et détourner les yeux tant l’odeur et la saleté provenant de ses gens me répugnait, je crois que ma famille d’origine leur ressemblait. Du moins, je me souviens que tout comme ses gens, nous étions souvent couverts de vermines et je garde des souvenirs plutôt agréable d’ailleurs de divertissements avec les jeunes de mon âge durant lesquels nous faisions des concours sur celui qui enlevait le plus de vermine sur l’autre et que nous n’hésitions pas à manger ensuite le produit de notre victoire car rien de comestible ne devait être gâché. Outre ses jeux, si mon occupation principale consistait à suivre la troupe à travers le désert, j’étais d’une nature rêveuse et j’aimais à me raconter des histoires. Parfois, j’entendais comme un murmure à la limite de ma conscience et j’imaginais que quelqu’un me répondait. Ayant fait part de cette hypothèse enfantine, je fus d’abord catalogué comme une sorcière entendant le monde des esprits et si le monde des esprits peut être accessible aux garçons, les filles n’ont accès qu’à des esprits mauvais et par conséquent doivent être abandonnée dans le désert. Je dois à l’amour de ma mère d’être encore vivante car elle s’est battue pour moi et à réussi à démontrer que nul esprit n’influençait mes pensées et ce que je percevais était le murmure de l’eau. J’avais en effet ce don si important dans le désert d’être capable de déceler la présence d’eau à faible profondeur. Et si le talent des sourciers était aussi un talent d’homme, il était devenu acceptable pour une femme. Nécessité fait loi.

D’ailleurs, l’autre sourcier du clan était aussi une femme.

La question de ma sorcellerie étant réglée, je divisai encore le clan sur le sujet suivant, sachant qu’il y avait maintenant deux sourciers dans le clan, fallait il me garder ou profiter de mon don pour me vendre à bon prix.

Le débat dura longtemps, les deux parties ayant des arguments aussi valable l’un que l’autre. Les uns argumentant sur le besoin impératif de denrées alimentaire mais surtout de plantes médicinales qui pourraient sauver de nombreuses vies, les autres qui craignaient pour notre sourcier actuel qui depuis quelques temps sembler elle-même d’une toux inquiétante et qu’on avait vu cracher du sang à plusieurs reprise. L’hypothèse de vendre la plus âgée avait bien sur été posée mais mon jeune âge était aussi un facteur de risque me rendant plus vulnérable aux maladies. La question, sans être réglée avait été reportée à plus tard et pendant quelques temps, notre clan aurait pu se vanter d’avoir deux sourciers si notre priorité n’était pas de nous dissimuler le plus possible aux yeux des autres qui avaient de grande chance d’être plus fort que nous.

Cette partie de cache cache ne dura plus longtemps et nous fumes surpris au crépuscule par une troupe à cheval.

Je me souviens d’être restée pétrifiée tandis que tout autour de moi n’était que fuite et cris de terreur. Moi je restai planté là mais pas de peur, mais d’admiration devant les chevaux et les costumes des guerriers. Ma mère m’attrapa enfin mais je n’allais pas loin. La troupe nous avait encerclé et nous ne pûmes que nous tasser au centre d’une dépression à la limite de notre camps.

Les guerriers passèrent devant chacun d’entre nous, nous éloignant les uns des autres à l’aide des pointes de leur lance, accompagné d’un vieux shaman paré d’une coiffure de plumes dont les couleurs étaient ternies par le sable.

On me désigna et m’arrachait au bras de ma mère me poussant en avant. Je remarquai que notre vieille sourcière était elle aussi poussée en avant.

Le chef de la troupe s’avança, nous toisant toute les deux, haussa la voix pour intimer l’ordre à ma mère d’arrêter de geindre et désigna la vieille sourcière. Cette dernière fit quelques pas poussée par les lances mais fut arrêtée par une quinte de toux qui la plia en deux. Devant l’intensité de la crise, les guerriers eurent un geste de recul. Leur chef plaqua le bas de son turban contre son visage et pointa le doigt vers moi. Les guerriers s’éloignèrent de la vieille la laissant finir sa quinte par quelques crachas rougis de sang et s’emparèrent de moi.

Je ne le souviens pas d’avoir résisté. Je sais que le chef guerrier s’était adressé à notre chef, lui avait dit que s’il n’opposait pas de résistance, il pourrait repartir avec sa bande de pouilleux. Est-ce pour cela que je n’opposais pas de résistance ? ou par crainte ? Ou parce que j’avais une certaine admiration pour ses guerriers à cheval ? Plus vraisemblablement, était ce plutôt parce que c’était ce qu’on pourrait appeler la loi du désert. Le faible se soumet au plus fort. Je partis ainsi, une corde de chanvre accrochée à un poignet, l’autre bout à la selle d’un cavalier. J’avais l’habitude des longues marches dans le désert et même l’allure rapide ne me laisse pas le souvenir d’une épreuve insurmontable. Au bout de deux jours, nous rejoignîmes le gros de la troupe constitués d’une vingtaine de tente couleur sable dissimulée entre les dunes. Les femmes et les enfants me jetèrent quelques regards curieux, je fus détaché et on ne se préoccupa plus guère de moi pris dans l’effervescence des retrouvailles.

Je tentai de m’échapper une fois pour le principe et aussi parce que ma mère me manquait. Je partis au petit matin avant l’aube et marchais toute la journée suivant ce petit murmure de l’eau qui m’appelais. En fin d’après midi, l’appel de l’eau se fit plus fort et en creusant le sable, je découvrais une petite résurgence suffisante pour étancher ma soif. Je me sentis alors toute puissante, capable de vaincre le désert. Mon enthousiasme ne dura guère. Mon estomac criait famine bien sur mais surtout le crépuscule approchait et avec lui les menaces du désert. Même dans notre pauvreté, aucun des notre n’aurait dormi sans tente et nous prenions grand soin à raccommoder le moindre trou. Les insectes nocturnes infligeaient des morsures pouvant parfois être mortelle, et souvent porteurs de maladies. Il y avait aussi les fourmis tueuses, de nombreux espèces de scorpions et serpents et quelques fauves tel le tigre du désert, ce petit félin au dents acérés, quelques oiseaux charognards qui aidaient leur proie à mourir. Chez nous, il y avait toujours des gardes pour veiller à ses dangers et là, j’étais seule. Ma première décision fut de ne pas dormir et ma deuxième de faire un feu mais je n’eus pas le temps de la mettre en application. Je sentis la pointe d’une lance me rentrer dans les cotes. Tu es morte dit une voix derrière moi. Je reconnus un des guerriers qui m’avait enlevé. Sans plus se soucier de moi, il monta sa tente, calfeutrant chaque issue, me poussa à l’intérieur et me fit la morale. Ses paroles concernant les dangers du désert entraient en échos avec celles que je m’étais faite précédemment aussi je ne protestais pas. J’attendis stoïquement la punition pour mon évasion mais elle ne vint pas. L’homme se contenta de se coucher me commandant de prendre la première garde sans plus se soucier de moi. Sans doute imaginait-il qu’une fillette de huit ans n’aurait pas le cran de le tuer et en cela, il avait raison.

Je restai donc assise dans la tente dans l’obscurité et si je ne pouvais voir l’extérieur, tous mes autres sens étaient en alerte et je ne tentai pas de m’enfuir. Au milieu de la nuit, l’homme se réveilla, s’étira et me commanda de dormir. Il ne dut pas me le répéter deux fois. Je dormis si bien que je n’entendis même pas le guerrier démonter la tente autour de moi. Je me réveillais seulement quand il me pris par la peau du cou, me souleva et me posa sur la selle avant de monter derrière moi et nous rejoignîmes ensemble mon nouveau clan

Résumé

Un décor inspiré des nomades du désert associée à une magie shamanique. Des thèmes durs : esclavages, cruauté, famine, lutte pour la vie, le tout sans doute adouci par une histoire d'amour.
Voila pour l'ambiance. Pour l'histoire, j'attends vos idées.