dimanche 25 novembre 2007

Chapitre 1

De mon enfance, je ne garde pas réellement de mauvais souvenirs. Ma vie a été dure, sans doute mais c’est le lot du peuple du désert et si j’ai eu mon lot de larmes et de mauvais traitement, je ne voyais là rien que de très normal Du moins avant de rencontrer Sarak. Et d’entendre ses utopies de paix.

Voire même je me considérais comme favorisée car les difficultés que j’ai endurées m’ont permis de gravir des échelons sociaux ce qui est loin d’être le cas pour la majorité.

Je suis née dans un de ses clans sans caste, et si je dois l’admettre même si j’en ai honte, devant les rares que j’ai croisé depuis, je n’ai pu m’empêcher de ramener mon voile de lin devant le nez et détourner les yeux tant l’odeur et la saleté provenant de ses gens me répugnait, je crois que ma famille d’origine leur ressemblait. Du moins, je me souviens que tout comme ses gens, nous étions souvent couverts de vermines et je garde des souvenirs plutôt agréable d’ailleurs de divertissements avec les jeunes de mon âge durant lesquels nous faisions des concours sur celui qui enlevait le plus de vermine sur l’autre et que nous n’hésitions pas à manger ensuite le produit de notre victoire car rien de comestible ne devait être gâché. Outre ses jeux, si mon occupation principale consistait à suivre la troupe à travers le désert, j’étais d’une nature rêveuse et j’aimais à me raconter des histoires. Parfois, j’entendais comme un murmure à la limite de ma conscience et j’imaginais que quelqu’un me répondait. Ayant fait part de cette hypothèse enfantine, je fus d’abord catalogué comme une sorcière entendant le monde des esprits et si le monde des esprits peut être accessible aux garçons, les filles n’ont accès qu’à des esprits mauvais et par conséquent doivent être abandonnée dans le désert. Je dois à l’amour de ma mère d’être encore vivante car elle s’est battue pour moi et à réussi à démontrer que nul esprit n’influençait mes pensées et ce que je percevais était le murmure de l’eau. J’avais en effet ce don si important dans le désert d’être capable de déceler la présence d’eau à faible profondeur. Et si le talent des sourciers était aussi un talent d’homme, il était devenu acceptable pour une femme. Nécessité fait loi.

D’ailleurs, l’autre sourcier du clan était aussi une femme.

La question de ma sorcellerie étant réglée, je divisai encore le clan sur le sujet suivant, sachant qu’il y avait maintenant deux sourciers dans le clan, fallait il me garder ou profiter de mon don pour me vendre à bon prix.

Le débat dura longtemps, les deux parties ayant des arguments aussi valable l’un que l’autre. Les uns argumentant sur le besoin impératif de denrées alimentaire mais surtout de plantes médicinales qui pourraient sauver de nombreuses vies, les autres qui craignaient pour notre sourcier actuel qui depuis quelques temps sembler elle-même d’une toux inquiétante et qu’on avait vu cracher du sang à plusieurs reprise. L’hypothèse de vendre la plus âgée avait bien sur été posée mais mon jeune âge était aussi un facteur de risque me rendant plus vulnérable aux maladies. La question, sans être réglée avait été reportée à plus tard et pendant quelques temps, notre clan aurait pu se vanter d’avoir deux sourciers si notre priorité n’était pas de nous dissimuler le plus possible aux yeux des autres qui avaient de grande chance d’être plus fort que nous.

Cette partie de cache cache ne dura plus longtemps et nous fumes surpris au crépuscule par une troupe à cheval.

Je me souviens d’être restée pétrifiée tandis que tout autour de moi n’était que fuite et cris de terreur. Moi je restai planté là mais pas de peur, mais d’admiration devant les chevaux et les costumes des guerriers. Ma mère m’attrapa enfin mais je n’allais pas loin. La troupe nous avait encerclé et nous ne pûmes que nous tasser au centre d’une dépression à la limite de notre camps.

Les guerriers passèrent devant chacun d’entre nous, nous éloignant les uns des autres à l’aide des pointes de leur lance, accompagné d’un vieux shaman paré d’une coiffure de plumes dont les couleurs étaient ternies par le sable.

On me désigna et m’arrachait au bras de ma mère me poussant en avant. Je remarquai que notre vieille sourcière était elle aussi poussée en avant.

Le chef de la troupe s’avança, nous toisant toute les deux, haussa la voix pour intimer l’ordre à ma mère d’arrêter de geindre et désigna la vieille sourcière. Cette dernière fit quelques pas poussée par les lances mais fut arrêtée par une quinte de toux qui la plia en deux. Devant l’intensité de la crise, les guerriers eurent un geste de recul. Leur chef plaqua le bas de son turban contre son visage et pointa le doigt vers moi. Les guerriers s’éloignèrent de la vieille la laissant finir sa quinte par quelques crachas rougis de sang et s’emparèrent de moi.

Je ne le souviens pas d’avoir résisté. Je sais que le chef guerrier s’était adressé à notre chef, lui avait dit que s’il n’opposait pas de résistance, il pourrait repartir avec sa bande de pouilleux. Est-ce pour cela que je n’opposais pas de résistance ? ou par crainte ? Ou parce que j’avais une certaine admiration pour ses guerriers à cheval ? Plus vraisemblablement, était ce plutôt parce que c’était ce qu’on pourrait appeler la loi du désert. Le faible se soumet au plus fort. Je partis ainsi, une corde de chanvre accrochée à un poignet, l’autre bout à la selle d’un cavalier. J’avais l’habitude des longues marches dans le désert et même l’allure rapide ne me laisse pas le souvenir d’une épreuve insurmontable. Au bout de deux jours, nous rejoignîmes le gros de la troupe constitués d’une vingtaine de tente couleur sable dissimulée entre les dunes. Les femmes et les enfants me jetèrent quelques regards curieux, je fus détaché et on ne se préoccupa plus guère de moi pris dans l’effervescence des retrouvailles.

Je tentai de m’échapper une fois pour le principe et aussi parce que ma mère me manquait. Je partis au petit matin avant l’aube et marchais toute la journée suivant ce petit murmure de l’eau qui m’appelais. En fin d’après midi, l’appel de l’eau se fit plus fort et en creusant le sable, je découvrais une petite résurgence suffisante pour étancher ma soif. Je me sentis alors toute puissante, capable de vaincre le désert. Mon enthousiasme ne dura guère. Mon estomac criait famine bien sur mais surtout le crépuscule approchait et avec lui les menaces du désert. Même dans notre pauvreté, aucun des notre n’aurait dormi sans tente et nous prenions grand soin à raccommoder le moindre trou. Les insectes nocturnes infligeaient des morsures pouvant parfois être mortelle, et souvent porteurs de maladies. Il y avait aussi les fourmis tueuses, de nombreux espèces de scorpions et serpents et quelques fauves tel le tigre du désert, ce petit félin au dents acérés, quelques oiseaux charognards qui aidaient leur proie à mourir. Chez nous, il y avait toujours des gardes pour veiller à ses dangers et là, j’étais seule. Ma première décision fut de ne pas dormir et ma deuxième de faire un feu mais je n’eus pas le temps de la mettre en application. Je sentis la pointe d’une lance me rentrer dans les cotes. Tu es morte dit une voix derrière moi. Je reconnus un des guerriers qui m’avait enlevé. Sans plus se soucier de moi, il monta sa tente, calfeutrant chaque issue, me poussa à l’intérieur et me fit la morale. Ses paroles concernant les dangers du désert entraient en échos avec celles que je m’étais faite précédemment aussi je ne protestais pas. J’attendis stoïquement la punition pour mon évasion mais elle ne vint pas. L’homme se contenta de se coucher me commandant de prendre la première garde sans plus se soucier de moi. Sans doute imaginait-il qu’une fillette de huit ans n’aurait pas le cran de le tuer et en cela, il avait raison.

Je restai donc assise dans la tente dans l’obscurité et si je ne pouvais voir l’extérieur, tous mes autres sens étaient en alerte et je ne tentai pas de m’enfuir. Au milieu de la nuit, l’homme se réveilla, s’étira et me commanda de dormir. Il ne dut pas me le répéter deux fois. Je dormis si bien que je n’entendis même pas le guerrier démonter la tente autour de moi. Je me réveillais seulement quand il me pris par la peau du cou, me souleva et me posa sur la selle avant de monter derrière moi et nous rejoignîmes ensemble mon nouveau clan

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